En étudiant le système de protection et de gestion du patrimoine culturel et historique français, nous faisons très attention à rechercher les éléments correspondants à la situation chinoise. Ils présentent une grande importance pour notre pays à l’heure où les règlements et les documents d’urbanisme se perfectionnent progressivement.Il est important qu’un réseau de cadres professionnels et d’architectes et urbanistes maîtrisant les connaissances du patrimoine se développe en Chine.
De notre point de vue, l’École de Chaillot joue un rôle clé dans la protection, la réhabilitation et la gestion du patrimoine français, car il développe une compétence
dans le domaine technique et juridique, respectant le dialogue entre patrimoine et aménagement par une formation tant théorique que pratique.
Le Centre National de Recherche sur les Villes Historiques Chinoises et l’Université Tongji (École d’Architecture et d’Urbanisme, Centre de Formation des Cadres du Ministère de la Construction et Institut de Projet d’Urbanisme de Tongji) portent un intérêt particulier aux modes de formation qu’offre l’École de Chaillot. Pour cette raison, l’Université Tongji et l’École de Chaillot, soutenus par le ministère de la Culture et de la Communication, la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, l’Observatoire de l’Architecture de la Chine contemporaine et l’ambassade de France à Pékin, ont souhaité organiser conjointement une formation sur le thème « Ville, architecture et patrimoine » destinée aux responsables chargés de l’urbanisme des villes historiques et culturelles chinoises.
Parallèlement, un échange de douze jours a permis en novembre 2005 d’accueillir à Paris des représentants de six villes. Les expériences de Vincennes, Versailles, Dieppe, Rennes ont ainsi été présentées par les divers acteurs, sous les orientations ville et transports, tourisme, logement et économie, patrimoine et architecture contemporaine.
Le contexte chinois
Dans le processus de développement économique chinois, les villes ont connu de grands changements, notamment pendant les années 1990. Les transformations d’un grand nombre de villes anciennes et cette période s’apparentent beaucoup à celles intervenues pendant les « Trente glorieuses » en France. Par exemple à Shanghai, le programme de rénovation de la ville ancienne qui commence à partir de 1991 a entraîné un changement qualitatif de la structure du centre ville. Fin 2000, la destruction de logements insalubres à Shanghai avoisinait les cinq millions de m2 et celle de logements délabrés les vingt-huit millions de m2. Plus de cent millions de m2 de logements ont été construits. Le visage du centre ville a totalement changé, les infrastructures et le confort de vie ont été remarquablement améliorés. Mais, dans le même temps, l’exploitation des quartiers anciens a été extrêmement intense, la construction d’immeubles de grande hauteur n’a pas véritablement été contrôlée. Le souci de compréhension et de respect de l’histoire de la ville ont fait défaut.
La continuité du développement historique de la ville a été méprisée, des bâtiments historiques représentant des phases importantes du développement urbain ont été détruits sans scrupules. Les quartiers historiques ont été encerclés de tours, certaines ont même été implantées en plein milieu de ces quartiers. L’échelle de la ville a été totalement modifiée. Le caractère historique de nombreux quartiers et les modes de vie en milieu urbain traditionnel sont menacés de disparaître.
Le pays est confronté à des problèmes de vétusté des quartiers anciens, d’éxiguité des logements, d’insuffisance des équipements, notamment sanitaires. Parallèlement, les qualités du centre ville représentent une manne financière considérable. L’exploitation de ces centres provoque des conflits entre la recherche de profits rapides, d’une part, et la recherche d’un équilibre par la protection de ces quartiers historiques, d’autre part. La rénovation de ces quartiers est considérée par certains fonctionnaires locaux comme représentatifs de leur action politique. Les promoteurs essaient d’avoir un maximum de rentabilité pour un minimum d’espaces exploités. Alors que les habitants souhaiteraient améliorer leur confort d’habitation et leur cadre de vie. Dans le contexte actuel de l’économie de marché, administration, promoteurs et habitants constituent un puissant moteur de rénovation des vieilles villes au moyen des opérations du marché. Néanmoins, beaucoup de quartiers et de bâtiments historiques ont disparu dans la dernière décennie du XXe siècle.
Les gens ont récemment pris conscience de l’importance du patrimoine ainsi que de sa signification positive pour la vie sociale. C’est pourquoi la protection du patrimoine architectural et urbain devient, à l’heure actuelle, un enjeu auquel nous prêtons de plus en plus attention. En 1999, la commission de construction et le bureau du foncier de Shanghai ont promulgué conjointement un arrêté définissant des sites pilotes, lieux d’expérimentation de la protection du renouvellement des bâtiments et des quartiers historiques, dans lesquels il est clairement spécifié que la protection des bâtiments et des quartiers historiques constitue un élément majeur de la politique de développement de Shanghai. Cet avis a une grande portée pour l’amélioration des conditions d’habitation, le respect de l’histoire et de la culture, la qualité de l’environnement bâti ainsi que pour le rayonnement de la ville. Dans le même temps, des politiques en matière de recettes fiscales, de financement et de relogement des habitants commencent à être mises en œuvre. C’est une étape importante, toutes les parties impliquées dans la protection et la gestion du patrimoine débattent des modalités de préservation et de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine urbain dans le contexte actuel d’économie de marché et de croissance rapide.
Mettre en place des règles
Dans ce cadre, les règlements sur la protection des villes historiques au niveau national et local se perfectionnent petit à petit. Par exemple, un « Règlement sur la protection des bâtiments et quartiers historiques de Shanghai » a été promulgué en 2003.
Cependant, il paraît difficilement envisageable de former, à court terme, tout un échelon administratif compétent en matière de protection et de gestion du patrimoine, à l’échelle d’un si grand pays et de si nombreuses villes historiques.
C’est pourquoi, a été privilégiée, dans un premier temps, la formation des dirigeants chargés de l’urbanisme et de la protection et du patrimoine des villes (y compris les maires, vice-maires, secrétaires généraux, responsables du bureau d’urbanisme et du bureau du foncier etc). L’objectif est de les sensibiliser, d’une part, à l’intérêt de la protection du patrimoine pour le rayonnement de leur ville et, d’autre part, de développer leur sens des responsabilités dans la préservation de la culture historique nationale.
Confucius a défini la notion d’« harmonie », « il y a plus de deux mille ans et la Chine actuelle encourage fortement la construction d’une société harmonieuse ». Cette formation en France nous a permis d’avoir une compréhension plus complète du rôle et du sens de la protection et de la mise en valeur du patrimoine dans le développement de la société
actuelle.
SHAO Yong et ZHOU Jian
Université de Tongji
Traduction par Lu Wei